COTONOU, 20 acteurs clés se sont réunis les 29 et 30 septembre à Cotonou pour une formation inédite visant à transformer les lois sur les droits sexuels et reproductifs en réalité concrète pour les Béninoises.
Le Bénin fait figure de pionnier en Afrique de l’Ouest. En 2021, le pays a élargi l’accès à l’interruption volontaire de grossesse. Sur le papier, tout semble parfait. Mais dans les faits, beaucoup de femmes, surtout en zone rurale, n’ont toujours pas accès à ces droits.
Quand la loi ne suffit pas
« Nous avons des lois inclusives, mais elles restent souvent lettre morte pour les femmes des villages », explique Dossi AGUEH, directrice du Réseau des Femmes Leaders pour le Développement (RFLD), organisateur de l’événement avec Equality Now et la coalition SOAWR.
Les obstacles sont nombreux : ruptures de stock de contraceptifs, manque de personnel qualifié, jugements moraux envers les jeunes filles qui cherchent des informations sur la contraception. « Une adolescente qui demande une contraception se fait parfois refuser l’accès ou subir des leçons de morale », témoigne une participante.
Un pari audacieux : réunir tout le monde
L’originalité de cette formation ? Elle a rassemblé des profils inhabituels autour de la même table : médecins, juristes, responsables gouvernementaux, mais aussi leaders religieux, chefs traditionnels et journalistes.
« Les droits reproductifs ne peuvent progresser sans l’adhésion de tous », souligne Esther WAWERU, responsable juridique d’Equality Now. « Dans un pays où cohabitent chrétiens, musulmans et pratiquants du vaudou, ignorer les leaders spirituels serait une erreur. »
Plutôt que de les voir comme des obstacles, les organisateurs ont choisi de faire des autorités religieuses et traditionnelles des partenaires du changement. Un pari audacieux dans un domaine où les convictions culturelles pèsent lourd.
Le Protocole de Maputo, un texte révolutionnaire
Au cœur de la formation : l’article 14 du Protocole de Maputo, ratifié par le Bénin en 2005. Ce texte garantit aux femmes le droit de contrôler leur fertilité, de choisir leur méthode de contraception, de décider du nombre d’enfants et de l’espacement des naissances.
Plus révolutionnaire encore, il autorise l’avortement médicalisé dans certains cas, faisant de ce protocole le premier instrument international juridiquement contraignant à reconnaître ce droit.
Pourtant, neuf pays africains refusent toujours de le ratifier : Burundi, Tchad, Égypte, Érythrée, Madagascar, Maroc, Niger, Somalie et Soudan. Les tensions entre modernité juridique et traditions restent vives sur le continent.
Les médias comme relais du changement
La présence de journalistes n’était pas anodine. « Les droits reproductifs sont mal compris par le grand public, ce qui alimente la stigmatisation », note une organisatrice. Former les journalistes permet de créer un effet boule de neige : une information juste qui circule, un débat public mieux éclairé, des décideurs politiques plus sensibles à ces enjeux.
Un enjeu de développement
Au-delà des principes, c’est une question économique. Les femmes qui maîtrisent leur santé reproductive participent davantage à l’économie, investissent plus dans l’éducation de leurs enfants et contribuent mieux au développement de leurs communautés. « C’est un investissement stratégique dans notre capital humain », résume un participant.
Et maintenant ?
Les plans d’action concrets élaborés pendant ces deux jours sont déjà en cours de mise en œuvre. Les participants continuent de se coordonner, formant une coalition multisectorielle déterminée à faire bouger les lignes.
Le pari du Bénin : prouver qu’on peut faire progresser les droits des femmes tout en respectant la diversité culturelle et religieuse. Une approche qui pourrait inspirer tout le continent.
Comme le conclut Dossi AGUEH : « Nos lois doivent se transformer en changements tangibles dans la vie des femmes. C’est tout le sens de notre combat. »
Avec 46 des 55 États africains ayant ratifié le Protocole de Maputo, l’Afrique montre son engagement, mais le chemin entre signature et application reste long.